Bill Russell : Le géant de la défense et des titres NBA

Des débuts marqués par l’injustice raciale

Bill Russell a grandi dans un monde qui ne voulait pas de lui. Né en 1934 en Louisiane, il découvre très tôt la brutalité du racisme. Sa famille quitte le Sud pour s’installer à Oakland, Californie, espérant une vie plus digne. C’est là que Bill découvre le basket, tardivement, sans y briller au départ. Mais dès ses années lycéennes, il se forge un style unique : sauts défensifs, lecture du jeu, hargne. La base d’une révolution.

L’ascension universitaire avec les Dons de San Francisco

Snobé par les grandes universités, il rejoint l’USF. Malgré des fondamentaux à peaufiner, il mène l’équipe à deux titres NCAA en 1955 et 1956, enchaînant 55 victoires d’affilée. Il impose un style de défense aérien inédit : contre en suspension, mobilité latérale, lectures de trajectoires. Sa domination est telle que la NCAA modifie plusieurs règles pour rééquilibrer le jeu. La largeur de la raquette est doublée, passant de 6 à 12 pieds, pour forcer les pivots comme lui à jouer plus loin du panier. Autre ajustement : l’interdiction de toucher le ballon lorsqu’il est en phase descendante vers le cercle, une règle aujourd’hui connue comme l’« offensive goaltending ». Le ton est donné : le jeu devra s’adapter à Russell.

L’arrivée en NBA et la conquête de Boston

Drafté en 1956 en deuxième position par les Hawks de Saint-Louis, Bill Russell est immédiatement échangé aux Celtics de Boston contre Ed Macauley et Cliff Hagan. Un pari osé pour Red Auerbach, l’entraîneur des Celtics, qui voit en lui le chaînon manquant pour construire une équipe imbattable. La NBA de l’époque est encore très blanche, peu accueillante envers les joueurs noirs, surtout ceux affichant des positions politiques affirmées.

Russell ne se contente pas de répondre à l’inconfort par des mots : il impose le respect sur le parquet. Malgré son arrivée tardive en raison des Jeux olympiques de Melbourne (où il décroche l’or avec Team USA), il joue 48 matchs de saison régulière et affiche déjà une moyenne de 14,7 points et 19,6 rebonds. Lors de ses tout premiers playoffs, il capte 22,9 rebonds de moyenne, culminant à 32 rebonds dans un match de finale contre les St. Louis Hawks.

Les Celtics remportent leur premier titre dès cette saison 1956-1957. Une première bague qui en appellera dix autres. Russell ne transforme pas juste la défense : il transforme la culture du club. Il apporte une mentalité de gagneur, une exigence, une présence dissuasive qui déstabilise les meilleurs attaquants de la ligue. Quand il est sur le terrain, les lignes de passe se ferment, les tirs sont plus précipités, les adversaires doutent. Bill Russell a amené la victoire à Boston, il a mis les Celtics sur la carte du monde et représente la pierre angulaire de la toute première dynastie de la NBA.

L’ère des titres et de la rivalité avec Chamberlain

De 1959 à 1966, c’est l’hégémonie. Onze titres en treize ans. Face à lui, Wilt Chamberlain. Là où Wilt dominait en chiffres, Russell dominait le jeu. Plus que des stats : de l’intelligence pure, de l’anticipation, du collectif. MVP à cinq reprises, il incarne l’efficacité silencieuse.

Entraîneur-joueur et fin de carrière légendaire

En 1966, il devient le premier entraîneur noir d’une grande ligue américaine, tout en restant joueur. Deux titres de plus, une posture de leader total. En 1969, il raccroche. En champion. En icône.

L’après-carrière : entre reconnaissance et engagement

Russell refuse longtemps les hommages. Il préfère l’action à la célébration. Mais avec le temps, la NBA répare l’oubli : médaille présidentielle, son numéro 6 retiré dans toute la ligue. Un geste unique. Une référence pour toujours.

Un style de jeu unique : défendre, dominer, inspirer

Bill Russell, c’est d’abord une défense de génie. Il saute avec timing, lit les trajectoires, contre sans faute et relance immédiatement. Il ne cherche pas le show : il cherche la récupération, la transition, le ballon juste.

Son deuxième atout, c’est le rebond. Avec 22,5 de moyenne en carrière et un pic à 51 sur un seul match, il domine la raquette sans partage. Il prend l’espace, anticipe la trajectoire, impose son rythme. Le tempo du match, c’est lui qui l’impose.

Mais Russell, c’est aussi l’intelligence collective. Il organise la défense, couvre les aides, appelle les switchs, ferme les lignes de passe. Il n’est pas seulement pivot : il est le cœur tactique de l’équipe.

Peu de points, beaucoup de présence. Pas de gestes inutiles, tout pour gagner. Son style n’est pas spectaculaire, mais il est implacable. Le genre de joueur qui te fait gagner sans que tu comprennes comment tu as perdu. Sur le terrain, il respectait l’adversaire mais ne cédait rien. Hors du terrain, il militait pour les droits civiques. Refuser un autographe ? Pour ne pas cautionner une hypocrisie. Défendre avec acharnement ? Pour défendre bien plus qu’un panier : une identité.

Pourquoi Bill Russell a marqué à jamais la NBA

Bill Russell a laissé une empreinte que personne n’a effacée. Pas seulement parce qu’il a gagné — mais parce qu’il a changé le jeu.

Onze titres NBA. Cinq trophées de MVP. Douze sélections All-Star. Une médaille d’or olympique. Mais au-delà des chiffres, c’est la manière. À chaque saison, il faisait gagner son équipe. Pas en scorant à tout va, mais en empêchant l’autre de le faire. Il a redéfini ce que voulait dire dominer.

Il est aussi devenu, en 1966, le premier coach noir d’une franchise pro. Et pas pour faire joli sur une photo : il a gagné deux titres de plus en étant joueur et entraîneur en même temps. En pleine Amérique des droits civiques. Une révolution debout, en short et baskets.

Défensivement, personne n’a fait mieux. Plus de 21 000 rebonds, des matchs à 30, 40, parfois 50 rebonds. Une mi-temps à 37 prises. Il ne jouait pas pour les highlights, mais pour l’emprise.

Chiffres-clés et palmarès de Bill Russell

  • Titres NBA : 11 (1957, 1959–1966, 1968–1969)
  • MVP de la saison : 5 fois
  • All-Star Games : 12 sélections
  • Médaille d’or olympique : 1956
  • Rebonds en carrière : 21 620 (22,5/match)
  • Points en carrière : 14 522 (15,1/match)
  • Matchs à 50 rebonds : 1 (record partagé avec Chamberlain)
  • Coach des Celtics : 2 titres comme entraîneur-joueur
  • Numéro 6 retiré dans toute la NBA : seul joueur à ce jour

Bill Russell n’était pas un simple joueur. C’était une muraille. Une voix. Une cause. Une légende. Le genre de mec qui t’inspire à te lever plus tôt, à jouer plus dur, à penser plus grand. Le genre de mec qui défendait une époque. Et qui la faisait reculer.

Article rédigé par Xavier Jacq
Assistez à la prochaine rencontre et venez nous soutenir !
Paris pour Paris